[EGREGORE] Partie III, chapitre 73

73.
Après avoir fait connaissance, Hasel nous servit le thé. Avec des gestes minutieux,
elle versa l’eau avant de nous proposer de visiter la maison.
« Tenez », me dit-elle en me rendant mes affaires. « Vous en aurez besoin, je pense ».
Un sourire énigmatique se dessina sur son visage. Avant que je pus lui poser la
moindre question, elle frappa dans ses mains et dit : « Commençons par l’étage ».
Nous montâmes les escaliers en bois. Les marches grinçaient un peu. Arrivés en
haut, nous constatâmes qu’elle avait transformé ce qui aurait du être un grenier en
une sorte de jardin intérieur où poussaient toutes sortes de plantes, dont certaines
que je reconnus.
« Peu de gens le savent, mais c’est moi qui fournit le thé aux auberges alentours. Ma
petite-fille vient me visiter régulièrement, et elle m’aide souvent à la récolte. Je
vends aussi des herbes, pour la cuisine, notamment. Mais c’est le thé qui a le plus de
succès. »
Dorn et Ewald s’approchèrent de quelques plants. Ewald fut très intéressé.
« Je reconnais quelques herbes médicinales. J’ignorais qu’on pouvait en cultiver à
l’intérieur… »
« Je vois que vous connaissez votre pharmacopée. Vous voulez compléter votre
assortiment ? »
« Ça ne vous dérange pas ? Je peux vous les acheter. »
« Allons, allons ! Je vais vous chercher un sac, choisissez ce qui vous fait plaisir. »
Hasel sortit de la pièce. Je la suivis des yeux.
« J’avais raison, elle est très intéressante », s’exclama Dorn.
« Je ne peux pas vous contredire », répondit Ewald en faisant son choix parmi les
nombreuses plantes disponibles. Je ne dis rien.
« Ewald, vous vous souvenez de notre petite discussion a l’auberge ? » demanda
Dorn après un temps.
« Oui, quelle partie ? » répondit Ewald.
« La partie sur la famille. »
Ewald se retourna sur ces mots. Ma curiosité fut piquée. Il regarda Dorn.
« On la connaît, n’est-ce pas ? »
« Oui. C’est aussi mon sentiment », dit Ewald. « Comme avec Cantor. Et pourtant… »
« …c’est impossible » compléta Dorn.
« Qu’est-ce qui est impossible ? » demandai-je enfin. Ewald me regarda et dit.
« N’avez-vous jamais eu l’impression diffuse que nous trois nous étions déjà
rencontrés ? »
Dorn me fixa dans l’attente de ma réponse. Je réfléchis aux événements des
derniers jours. Puis je me souvins de mes rêves.
« Si. » Tous deux acquiescèrent. Je continuai.
« J’ai rêvé de vous deux avant de vous rencontrer. »
Dorn écarquilla les yeux. « Et vous ne nous avez jamais rien dit ? »
« C’est intéressant », dit Ewald. « Mais gardons ça pour plus tard. Cantor, vous n’avez
pas le même sentiment concernant Hasel ? »
« Si. Je pense avoir aussi rêvé d’elle » dis-je. « Mais avec elle, il y a quelque chose de… »
Je m’interrompis lorsque nous entendîmes Hasel remonter l’escalier.
« Vous avez choisi ? » demanda-t-elle à Ewald, en lui tendant un sac de toile.
« Dépêchez-vous, nous risquons d’être interrompus. »
« Vous attendez d’autres visites ? » demanda Dorn.
Pour toute réponse, Hasel se contenta de lui sourire.