[EGREGORE] Partie III, chapitre 79

79.
« J’aimerais entendre vos problèmes », dit le chef, « et contribuer à les résoudre. »
« La vie de notre cité doit pouvoir être améliorée. C’est pourquoi j’y ai réfléchi et je
voulais vous faire une proposition. Je vais ouvrir la chefferie dès maintenant et vous
pourrez me faire part un par un de tout ce qui pourrait être amélioré dans la cité.
Nous recommencerons demain, et autant de fois que nécessaire. Je prendrai des
notes, et je les soumettrai au représentant impérial lors de sa prochaine visite. »
« Je ne suis pas devenu chef pour être l’homme qui vous empêche d’être heureux au
nom de l’Empereur, mais bien pour être l’homme qui vous aide à construire ce
bonheur. Et Tadeusz a passé les dernières minutes à vous exposer les raisons pour
lesquelles j’échoue aujourd’hui à être cet homme-là. Un chef de cité devrait être au
service de ses habitants. A votre service. Je le remercie de me l’avoir fait
comprendre. C’est pourquoi je profite de cette occasion pour vous demander à tous
de m’aider à mieux faire.
Et si l’expérience est concluante pour vous, nous la reconduirons ensemble
régulièrement, ceci afin d’être sûr que vous soyez entendus. Faites passer le mot.
Ceux qui souhaitent construire leur nouvelle vie peuvent me suivre à la chefferie
dès maintenant. »
Le chef se tourna vers Tadeusz pour le coup de grâce : « Enfin, pour sceller ce
contrat que nous sommes en train de conclure et prouver ma bonne volonté, je
prends devant vous la décision d’annuler l’enquête ouverte sur Tadeusz, ceci afin
qu’il puisse lui aussi contribuer à cet effort commun vers de meilleures conditions
de vie. En étant par exemple éligible au poste du chef de cité qu’il vous a dit
convoiter plus tôt. A ce sujet, si tel est votre décision, et toujours dans cet esprit de
respect, j’en prendrai note et j’accepterai de m’y soumettre. »
Cette contre-attaque était tout bonnement inattendue pour Tadeusz. Il n’avait
prévu aucune autre manœuvre venant du chef que celle de se défendre. Il avait
oublié dans ses calculs qu’il n’y a rien de plus redoutable qu’un homme qui n’a plus
rien à perdre.
Il avait acculé son adversaire au bord du précipice, mais il allait tomber avec lui.
Le chef descendit de l’estrade et se dirigea vers la chefferie. Il y eut un instant de
flottement, puis une personne s’extirpa de la foule et se mit à le suivre. Puis une
autre, puis une autre, puis une autre. Ainsi, tout le monde se mit à suivre le chef,
jusqu’à laisser derrière eux Tadeusz. Seul sur son estrade, la haine dans le regard.