[EGREGORE] Partie I, chapitre 17

17.
Un bruit sec de casse m’avait sorti d’un profond sommeil. Je me levai, saisis mon
bâton de marche et sortis. Dans l’escalier, j’entendis distinctement un bruit de pas.
Je me retrouvai nez à nez avec un homme au regard mauvais et particulièrement
musclé. Et je lus dans son regard qu’il était là pour moi.
C’est ce moment que choisit Merunka pour sortir de sa chambre. L’homme
l’enserra brusquement et lui mit l’épée sous la gorge. Je n’eus pas le temps de réagir.
“Non !” m’écriai-je.
“Pas de geste brusque”, m’ordonna-t-il. Radomìr arriva à son tour, mais je le retins
avant qu’il n’aille plus loin.
“Qui êtes-vous ?” demanda-t-il avec la voix d’un père tremblant pour sa fille.
“Il est là pour moi”, dis-je sans quitter l’homme des yeux.
“En effet. Je m’appelle Bartek.” Le son de sa voix était glacial.
“Bartek”, dis-je en levant la main vers lui en signe d’apaisement. “Si c’est moi que
vous voulez, je suis à vous.” Je posai mon bâton. “Mais laissez-les tranquilles, je
vous en prie. Ils n’ont rien à voir avec tout ça.”
“Approchez. Doucement”. J’approchai ainsi qu’il me l’ordonna, avec énormément
de prudence. Un seul mouvement lui suffisait pour égorger Merunka. Son père ne
me le pardonnerait jamais. Moi non plus. Au fur et à mesure que j’approchais, il
relâchait son étreinte sur Merunka. Manifestement, il ne la laisserait partir que
lorsque je serais à portée de son épée. Je jetai un œil à la fillette. L’habituel
pétillement n’avait pas disparu de ses yeux. Et j’y crus déceler une information de
plus. Elle préparait quelque chose.
Tout s’enchaîna très vite. Merunka profita de pouvoir bouger pour donner un
coup dans les côtes de Bartek, ce qui lui permit de se libérer et de courir vers son
père. J’en profitai pour bloquer son bras armé et lui donner un coup de pied. Il
bascula dans l’escalier. Je me retournai vers Radomìr et Merunka.
“Allez-vous en ! Fuyez !”
Je ramassai mon bâton et redescendit l’escalier. Il était en train de se relever, mais je
ne lui en laissai pas le temps. Je lui assénai un coup dans le dos pour le remettre à
terre, mais il était solide. Je frappai plus fort. Un genou à terre, il para mon bâton
avec son avant-bras et de toute son allonge, me frappa avec son épée. J’esquivai trop tard et il m’entailla le flanc. Il n’était pas seulement fort. Il était rapide.
Il se releva et me fonça dessus, son épée levée au-dessus de la tête. J’esquivai, puis le désarmai. L’épée glissa sur le sol. Alors que je m’acharnais sur lui avec mon bâton,
il parait mes coups à mains nues et finit par me désarmer à son tour, m’arrachant
mon arme des mains. Au corps à corps contre une telle masse de muscles et de rage, manifestement entraînée qui plus est, je n’avais aucune chance.
Il tenta de m’étouffer. Je le bloquai du genou. Il le repoussa, me souleva et me jeta
de l’autre côté de la pièce. Avant que j’aie pu réagir, il me saisit des deux mains par
la gorge et me souleva du sol. J’avais beau me débattre, impossible de me libérer.
J’étouffai. C’est alors que quelqu’un le frappa à la tête. Son étreinte se relâcha et il
tomba sur le sol. J’aperçus Merunka qui tenait une énorme barre de métal dans la
main. Radomìr se tenait derrière, armé d’une bêche. Je voulus rire à cette image,
mais le seul son qui sortit de ma bouche fut une quinte de toux.
“Est-ce que ça va ?”, me demanda Merunka.
Je lui souris et répondis d’une voix étranglée : “comme un charme”. Je vis alors le
regard soulagé de son père. Je me levai et m’approchai de lui.
“Vous avez une corde ?”