[EGREGORE] Partie I, chapitre 2

2.
J’étais parti à la recherche de mes véritables origines, mais la quête était difficile. La
seule piste que j’avais était celle d’un certain Zur Ianä. Un homme étrange, que
j’avais hébergé lorsque j’étais ermite. Je ne souffrais pas de solitude, à l’époque. Ou
tout au moins, je n’en étais pas conscient, mais aujourd’hui c’était différent. Plus je
voyageais, plus je rencontrais des gens, plus j’avais l’impression douloureuse de ne
pas appartenir à ce monde. Une sensation diffuse, comme une sorte de nostalgie
sans espoir. Cette crainte avait toujours été en moi, latente, indéfinie. La
permanence d’un inconfort qui m’avait accompagné toute ma vie. Mais je ne l’avais
jamais ressentie aussi intensément que depuis mon départ.
Zur Ianä restait introuvable. Je commençais à croire que je l’avais rêvé. Je
commençais à me demander si j’avais fait le bon choix. Peut-être eût-il mieux valu
que je retourne au village. Je l’avais quitté depuis si longtemps.
Je m’arrêtai un instant sur cette pensée, levai la tête, le regard dans le vide. Puis je
fis demi tour. C’est alors que j’entendis un son derrière moi, comme la note
cristalline et boisée d’une flûte. Intrigué, je marchai dans la direction jusqu’à
découvrir une ferme. Devant la ferme, deux hommes discutaient face à face. Le
premier semblait être un visiteur. Riche, à en juger par sa tenue et par la paire de
gardes du corps qui l’escortait. Il dégageait quelque chose d’inconfortable. A côté de l’autre, une jeune fille.
Le visiteur semblait en position dominante. Il s’impatienta. La jeune fille tenta de
s’interposer mais l’un des gros bras la frappa si violemment qu’elle tomba à terre.
“Hé !”, criai-je dans leur direction. L’écho porta ma voix, attirant leur attention.
Sans trop savoir ce que j’allais faire, je courus vers eux, mon bâton de marche à la
main. L’homme et ses deux gros bras rejoignirent leur calèche, non sans avoir
proféré ce qui, de loin, ressemblait à des menaces. Et ils s’en allèrent.
La fillette retenait difficilement ses larmes lorsque j’atteignis la ferme. “Est-ce que ça
va ?”, leur demandai-je. L’homme me jeta un regard agressif. “Tout va bien”, me
dit-il d’un ton froid. “Vous pouvez passer votre chemin”. Je réfléchis.
Tout ceci avait un air d’inachevé. L’homme de tout à l’heure allait sûrement
revenir. J’observai le fermier et sa fille un instant et le village me revint à l’esprit. Je
décidai de suivre les principes de chevalerie que j’y avais appris et de protéger cette
fille et son père.
“En fait, je cherche un hébergement pour quelques temps avant de reprendre ma
route. Auriez-vous une chambre ?” L’homme ne semblait pas apprécier l’idée, mais
sa fille le convainquit du regard. Il hésita. “Je peux participer aux travaux de votre
ferme”, ajoutai-je. “Et vous n’aurez pas à me payer. Je ne demande que le gîte et le
couvert”.
“C’est bien généreux”, me répondit le fermier d’un ton suspicieux. Il aida sa fille à
se relever puis marqua un temps. Il me toisa avant de prendre sa décision.
“Très bien. Venez.”