[EGREGORE] Partie I, chapitre 5

5.
La maison de Radomìr était assez âgée, mais toujours solide et bien entretenue.
Merunka me racontait qu’elle avait été bâtie par son grand-père et que son père
avait repris l’affaire une fois marié. Tadeusz, l’homme que j’avais aperçu plus tôt,
voulait absolument l’acheter depuis longtemps, car il était marchand et le terrain
avait, semblait-il, une certaine valeur. Il faut dire que leur ferme était
particulièrement productive, ce qui profitait au village.
Un peu maladroitement, je lui demandai ce qu’il était advenu de sa mère. Elle
marqua un temps et un silence embarrassant s’installa. Je maudis ma maladresse.
“Elle est morte de maladie” me dit-elle en baissant les yeux. Je me confondis en
excuses, mais à ma grande surprise, elle retrouva rapidement son sourire.
Il y avait dans ses yeux une sorte de curiosité passionnée. Lorsqu’elle me faisait
visiter la maison, elle irradiait une joie de vivre que même la perte d’un proche ne
semblait pas pouvoir ternir. De plus, je me sentais curieusement proche d’elle,
comme si nous nous étions déjà rencontrés avant. Comme si nous avions été
parents. Frère et sœur, peut-être.
Nous arrivâmes à ce qui serait temporairement ma chambre. Je remarquai des
marques de griffures à certains endroit de la boiserie.
“C’est notre chambre d’ami. Ce n’est pas grand mais il y a tout le confort
nécessaire. Si vous manquez de bougies, il y a un stock au fond du placard”. J’entrai
et posai mon sac. Je fis un tour sur moi-même pour observer la pièce. Il y avait
longtemps que je n’avais pas dormi autrement qu’à la belle étoile. Je voulus la
remercier pour cet accueil si chaleureux mais je n’eus pas le temps d’articuler un
mot qu’elle disparut en courant, pour revenir quelques minutes plus tard avec un
objet emballé dans un torchon. L’objet était long comme un avant-bras, et son
emballage était scellé par un fil de paille.
“Tenez”, me dit-elle en me tendant l’objet. “C’est pour vous remercier de nous
avoir protégés tout à l’heure. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que ça va vous
plaire.”
“Ce n’était pas la peine”, lui répondis-je. “D’où je viens c’est normal, et votre
hospitalité est déjà un cadeau”. Comme je voyais qu’elle insistait, je saisis l’objet.
“Et d’où venez-vous ?”, me demanda-t-elle, curieuse.
“De loin. Très loin. D’un village, caché dans une immense forêt.”