[EGREGORE] Partie III, chapitre 62

62.
On pouvait l’entendre pester de l’extérieur. « Ce mollasson de chef a mal choisi son
moment pour se faire pousser une conscience ! »
Tadeusz réfléchissait dans son bureau. Le soudoiement, l’intimidation, rien n’y
avait fait. Pour un fermier, Radomìr était particulièrement incorruptible. Mais
Tadeusz avait déjà eu affaire à ce genre de personne, et il savait trouver la faiblesse
d’un homme honnête. Il avait décidé d’enlever sa fille.
Malheureusement, c’est là que le chef est intervenu. Il était parvenu à faire valider
son enquête aux hautes autorités. Ces derniers allaient bloquer ses actifs et
condamner ses entrepôts pendant la durée de l’enquête. Il avait reçu le message ce
matin.
« Les menaces ne fonctionnent plus sur lui. S’il continue, ça pourrait donner des
idées aux gens. »
Tadeusz savait que son quasi monopole reposait presque exclusivement sur la peur
des citoyens à son égard. C’était là tout le problème avec Radomìr : ce fermier
n’avait pas peur de lui. Mais il avait peur pour sa fille. Par conséquent, Tadeusz
l’avait faite enlever. Il avait encore quelques cartes à jouer en ce qui concerne la
ferme.
Mais si désormais le chef lui-même n’avait plus peur de lui, d’autres pourraient s’en
inspirer. Il devait trouver un nouveau levier de contrôle des autorités. Et de ce chef,
qui avait su si rapidement devenir gênant.
Alors que faire ? Tadeusz réfléchissait.
Y avait-il un moyen légal ? Sans doute, mais la moindre action de l’appareil
judiciaire impérial prenait toujours beaucoup trop de temps. Un moyen illégal,
alors ? Tadeusz pouvait toujours le faire disparaître, mais cela finirait par lui
retomber dessus. La Justice était lente, pas inexistante.
Il devait trouver un moyen légitime de dégager le chef de l’équation avant que son
influence ne s’étende. C’est alors qu’une idée lui vint.