63.
Loin des stratagèmes de son employeur, Bartek suivait toujours la piste. Elle
s’arrêtait en plein milieu du chemin tracé, pour s’enfoncer dans la forêt. « S’ils se
sont enfoncés dans la forêt, ce sera difficile de les retrouver avant la nuit » songea
Bartek.
Cette capacité à toujours garder une longueur d’avance sur lui confirmait ses
soupçons. Ce Cantor était bel et bien entraîné.
Loin de le frustrer ou de l’énerver, Bartek commençait à ressentir quelque chose
d’autre. Quelque chose qu’il n’avait plus ressenti depuis longtemps. Un sentiment
qu’il avait eu il y a très longtemps, et dont la disparition progressive avait rendu son
travail monotone sans qu’il ne s’en aperçoive.
Tadeusz et ses manigances, l’argent des primes, récolté sur des proies faciles, tout
ça avait été son quotidien depuis très longtemps. Peut-être trop longtemps. Il avait
face à lui une proie digne d’intérêt. Un véritable adversaire. Comparé à ce sentiment,
tout le reste n’avait plus grande importance. Il allait retrouver Cantor. Pas pour
l’argent, ni pour Tadeusz. Uniquement pour l’excitation.
C’était cela qui lui avait manqué toutes ces années. L’excitation. Bartek était un
traqueur, et il venait de s’en rappeler.
Il sourit et s’enfonça tranquillement dans la forêt.