[EGREGORE] Partie IV, chapitre 88

88.
« Alors, dites-nous ! » s’impatienta Dorn.
Je pris une inspiration. « Merunka, te souviens-tu de la façon dont nous nous
sommes rencontrés ? »
« Oui. »
« Tu as presque forcé la main à ton père pour m’accueillir chez toi. »
« Oui. »
« Pourquoi ? » demandai-je.
« Ah, pourquoi… la meilleure des questions pour qui cherche de vraies réponses »,
dit Ian en aparté.
« Comment ça pourquoi ? Parce que je vous fais confiance, enfin ! »
« Tu fais confiance à beaucoup d’inconnus ? »
« Mais non, vous n’êtes pas un… mais c’est vrai que c’est étrange. »
« Nous y voilà », dis-je. « Je me suis proposé de rester chez vous pour te protéger,
mais moi non plus je ne vous connaissais pas. »
« Pourquoi n’êtes-vous pas un inconnu ? Pourquoi ai-je tant l’impression de vous
connaître ? »
Dorn réagit.
« C’est ça ! Exactement ! Ce sentiment étrange d’être tous si…
« …proches ! » compléta Ewald.
« Familiers », ajouta Hasel.
« C’est le mot. Et je suis sûr que Merunka vous a fait la même impression lorsque
vous l’avez rencontrée pour la première fois tout à l’heure. »
Ils ne répondirent pas. Je me tournai vers Ian.
« J’ai formé l’Egregore dans cette vie parce que j’ai rencontré chacune de ces
personnes. Si ce que vous dites et vrai, Ian, je suis même prêt à parier que nous cinq
nous sommes déjà rencontrés dans de précédentes existences. » Ian hocha
lentement la tête.
« C’est même plus précis que ça. C’est la deuxième fois que tous vos expires se
croisent au même moment ». Il fit un geste de la main et une sorte d’image projetée
dans le vide apparut. Nous vîmes une famille composée d’un père, d’une mère, d’un
frère et d’une sœur plus jeune.
« Vous êtes ici dans une anti-chambre céleste. Elle est conçue pour faciliter la
connexion spirituelle. Vous devriez reconnaître vos énergies au-delà de vos
apparences. »
Nous nous approchâmes de l’image. Cette famille avait l’air très heureuse. Je
ressentis une affinité particulière pour la jeune fille. J’avais l’impression de voir mon
reflet.
« C’était moi, il y a longtemps », murmurai-je. J’étais cette jeune fille. »
« Et moi, j’étais… sa mère », observa Merunka. Nous nous regardâmes. C’était
bizarre.
Ewald et Dorn s’approchèrent à leur tour. Ewald tendit la main vers l’homme.
« Père… »
« ..et fils », compléta Dorn. « Frère et sœur », ajouta-t-il en me regardant.
Hasel tâchait de rester digne, mais je savais bien qu’elle se sentait mise à l’écart.
J’allais mentionner cela à Ian.
« Il manque… »
« Je sais. » coupa Ian, calmement. Il fit un autre geste et une autre image apparut. On
y vit la même jeune fille embrasser amoureusement une autre jeune fille.
« Oh ! Eh bien ! » fit Hasel, moins gênée qu’attendrie.
Ian fit disparaître les images. Les larmes aux yeux, je me tournai vers ceux qui
étaient la réincarnation de toute ma famille.
« Je suis orphelin depuis ma naissance », dis-je. « Vous n’avez aucune idée de ce que
tout ça signifie pour moi ! »
Tous vinrent m’embrasser. Pour la première fois de ma vie, je me sentis appartenir
quelque part.